Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de mon père. Le premier anniversaire où il n'est plus là.
Il aurait eu 76 ans.
En souvenir de tout ce qu'il m'a apporté, voici le discours que j'ai fait à ses funérailles.
J'espère qu'il pourra vous inspirer ne fût-ce qu'un instant.
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Papa,
Ma tristesse aujourd’hui et depuis 6 jours est immense, écrasante. Parce que l'aperçu que j'ai eu ces quelques jours du vide créé par l'absence est assourdissant et présume du manque qui risque de se ressentir encore certainement de nombreuses années.
Mais ce qui serait vraiment triste, c’est que ça ne le soit pas.
Malgré la tristesse, je trouve du réconfort dans la qualité de notre relation. Même si elle n’a pas toujours été au beau fixe dans le passé (ceux qui me connaissaient adolescente pourront en témoigner !) , les derniers mois étaient remplis d’amour et de tendresse.
Je sais que tu sais à quel point je t’aimais et je n’ai aucun doute de la réciproque.
Nous avions nos manières à nous de nous montrer notre amour. Souvent. A travers les mots parfois, mais à travers le reste, surtout.
Les emojis « cœur » inattendus.
Les livres que je continuais de te donner et dont tu continuais de ne lire que les 50 premières pages.
Les cours d’aquarelle qu’on a fait ensemble.
Les encouragements à chaque projet que j’entreprenais dont tu ne comprenais pas toujours les raisons.
Les messages quotidiens que tu m'envoyais depuis un mois, alors que tu avais recommencé à marcher tous les jours "pour ta santé, mais surtout pour que je sois fière de toi".
Donc oui, aujourd’hui est triste. Et pour les bonnes raisons.
Papa aimait par-dessus tout nos discussions philosophiques, celles qui lui permettaient de réfléchir, se questionner et voir les choses sous un autre prisme: celui qui lui faisait prendre ses responsabilités pour sa vie.
Or cet événement, aussi difficile qu'il soit, peut aussi avoir la possibilité de nous rendre meilleurs. Et en cela, il ne sera pas vain.
La semaine passée, j’ai écouté un podcast.
Il parlait du fait qu’on ne comprend vraiment le pouvoir de « un jour de plus » que quand on n’a plus « un jour de plus » devant nous.
On pense toujours qu’on a un jour de plus pour faire ce qu’on voudrait faire.
Combien de fois reporte-t-on à demain, en se disant qu’un jour de plus ne va rien changer ?
« Demain, peut-être. »
Et puis un jour, life happens. La vie nous vole l’opportunité de remettre à demain, et nos « peut-être demain » se transforment en « si seulement hier » qui nous remplissent de regrets auxquels on ne peut plus rien faire.
Si j'avais un jour de plus, je lui dirais encore que je l'aime. Je lui poserais plus de questions, pour le connaître un peu plus. Je lui ferais un énorme câlin.
Mais surtout, je profiterais des petites choses, celles qu'on a tendance à détester au quotidien et celles qui nous manquent souvent le plus quand le quotidien disparaît.
Les messages qu’il m’envoyait pour me raconter la météo du jour.
Messages sans aucune ponctuation, toujours signés “Papa” comme s’il n’avait pas compris que son nom apparaissait sur mon téléphone.
L’entendre passer 1h dans la salle de bain.
Le voir se coiffer les cheveux, tous les jours sans exception alors qu’il devait lui en rester une 100aine.
L’écouter chanter en s’époumonant de sa voix qu’il ne contrôlait pas.
Me demander de lui acheter un nouvel agenda 6 mois avant leur sortie.
Me demander de l’aider avec “son site” qui n’était en réalité que son adresse mail.
L’entendre éternuer trop fort.
Le voir s’éclipser mystérieusement aux toilettes alors que c'est le moment de débarrasser la table.
Ou s’agiter devant la voiture pour arriver bien à l'heure (bien trop tôt : « il faut toujours prévoir, on ne sait jamais, si on crève un pneu »)
Mais voilà, aujourd’hui, je n’ai plus un jour de plus.
Alors utilisons aujourd’hui comme si demain ne nous était pas promis, parce que la réalité, c’est que c’est le cas: demain ne nous est pas promis.
Il paraît que le 2è plus gros regret de la majorité des gens à la fin de leur vie, c’est de n’avoir pas passé plus de temps avec ceux qu’ils aimaient.
Je n’ai pas un jour de plus avec mon père.
Mais il y a quand même une bonne nouvelle : J’ai encore un jour de plus avec vous tous. Tous ceux qui comptez dans ma vie.
Alors je veux profiter de cet instant pour me rappeler, et pour nous rappeler à tous que la vie, c’est maintenant.
N’attendons pas un jour de plus pour faire ce qui nous tient à cœur, pour dire ce qu’on n’ose pas dire, pour être honnêtes, vulnérables, curieux, courageux et vrais. Laissons tomber les rancunes.
Aujourd’hui j’ai envie de me poser ces questions tellement importantes:
Qu’est-ce qui compte vraiment pour moi?
Que regretterais-je demain, si je n’avais pas un jour de plus?
On dit souvent que la vie continue.
Mais j’espère que pour chacun de nous, ça ne sera pas le cas. Pas tout à fait exactement comme elle l’était hier.
J’espère au contraire que ce moment difficile pourra nous ramener à l’essentiel, nous rediriger, même si seulement d’un seul degré, vers ce qui fera pour nous la différence. Que je pourrai regarder en arrière et me dire que ce moment a participé à ma construction et que j’en suis fière.
Si vous êtes ici aujourd’hui et que vous observez notre peine plus que vous ne la vivez vous-même, j'espère que vous aussi pourrez revenir à l’essentiel et être reconnaissant d’avoir encore un jour de plus avec ceux que vous aimez.
Et j’espère que vous arriverez à voir encore plus les marques d'attention, les « je t'aime » cachés derrière des actions banales, les preuves d'amour maladroites des êtres humains imparfaits mais qui nous aiment malgré tout.
Aujourd’hui, en hommage à mon père et à cette vie tellement précieuse, j’aimerais clôturer en vous demandant à chacun de prendre un moment et de penser à ceux que vous aimez. Fermez les yeux. Pensez à celui ou celle à qui vous n’avez plus exprimé votre amour, votre tendresse ou votre gratitude depuis trop longtemps. Mettez-vous un rappel de le faire en sortant d’ici. Et puis enfin, ouvrez les yeux et regardez ceux avec qui vous êtes venus aujourd’hui. Mettez peut-être votre main sur la leur. Regardez-les pour leur dire que vous les aimez.
Et profitez du fait que vous avez encore un jour de plus.
Papa, merci. Comme le disait ce bon vieux Victor Hugo « Tu n’es plus à où tu étais mais tu es partout là où je suis. »
Et à tous ceux qui sont là aujourd’hui, merci de votre présence et de votre affection qui me bouleverse.
A mes amis, ceux qui sont là même si vous le connaissiez à peine, je vous vois et je vous aime.
Pour une drôle de raison, je n’arrive pas à vous réunir pour mon anniversaire estival et pourtant vous êtes là aujourd’hui dans ce moment qui compte vraiment et je n’ai pas les mots pour exprimer ma gratitude.
Maman, Yas, Oli et Am, Hugo et Jared, famille et amis: je vous aime.
Faisons de la vie et de notre relation une joie qui nous permettra de regarder un jour en arrière et de se dire “heureusement, hier” .
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